ATEX : quelles formations pour travailler en atmosphère explosible en toute sécurité ?

1. ATEX : de quoi parle-t-on ?

Le terme ATEX vient de l’expression « atmosphères explosives ». Il désigne toutes les situations où un mélange entre une substance inflammable et l’air peut, en présence d’une source d’inflammation, provoquer une explosion. Cela concerne par exemple des gaz, des vapeurs de solvants, mais aussi des poussières de farine, de bois, de sucre, de métaux, de plastiques… Ce n’est donc pas un sujet réservé à la pétrochimie ou aux raffineries : l’agroalimentaire, la pharmacie, la logistique, le BTP, le traitement des déchets, le travail du bois ou des métaux sont également concernés. Dès qu’une entreprise manipule, produit, stocke ou transfère des substances inflammables, il existe un risque que des atmosphères explosibles se forment. Un simple local de remplissage de bidons de solvants, une zone de chargement de citernes, un silo à céréales, un filtre à poussières, un atelier de peinture, une station de lavage de pièces, une cabine de vernissage, un silo de copeaux de bois ou un convoyeur de poudres peuvent présenter un risque ATEX s’ils réunissent quatre conditions : un combustible, un comburant (en général l’oxygène de l’air), une source d’inflammation et un confinement plus ou moins partiel. Sur le plan réglementaire, le cadre ATEX repose sur deux grandes logiques complémentaires. D’une part, la réglementation relative aux équipements et systèmes de protection destinés à être utilisés en atmosphère explosible, qui impose des exigences de conception et de marquage aux fabricants de matériels. D’autre part, la réglementation relative à la protection des travailleurs susceptibles d’être exposés à un risque d’explosion. C’est ce second volet qui concerne directement la formation professionnelle. L’employeur a l’obligation d’évaluer le risque d’explosion, d’identifier et de classer les zones où peuvent se former des atmosphères explosibles, de choisir des équipements adaptés et de mettre en place des mesures de prévention. Il doit aussi, et c’est un point clé, informer et former les travailleurs qui interviennent dans ou à proximité de ces zones. Il ne s’agit pas simplement d’une bonne pratique, mais d’une responsabilité légale et morale : la méconnaissance des risques ATEX peut conduire à des accidents catastrophiques, aux conséquences humaines, matérielles et environnementales très lourdes. C’est dans ce contexte que les formations ATEX prennent tout leur sens. Elles permettent à l’entreprise de se mettre en conformité, mais surtout de donner aux opérateurs, aux techniciens de maintenance, aux encadrants et aux équipes HSE les connaissances et les réflexes indispensables pour travailler en sécurité dans ou à proximité des atmosphères explosibles.  

2. Les objectifs d’un parcours sécurité structuré

Dans une démarche ATEX, tout le monde n’a pas besoin du même niveau de connaissances. En revanche, tous les acteurs concernés ont un rôle à jouer et doivent bénéficier d’une formation adaptée à leurs responsabilités et à leur exposition aux risques. Les premiers concernés sont les opérateurs qui travaillent au quotidien dans des zones classées ou à leur proximité immédiate. Il peut s’agir par exemple de caristes qui chargent et déchargent des camions, d’ouvriers qui remplissent des cuves ou des big-bags, de conducteurs d’installation qui surveillent des process de séchage, de broyage, de filtration, ou encore de peintres en cabine. Leur besoin principal est de comprendre, de manière claire et concrète, ce qu’est une atmosphère explosible, comment elle peut se former sur leur poste, quels sont les gestes à éviter et quelles sont les règles à respecter. Pour ce public, la formation doit être très orientée terrain et illustrée par des exemples issus de leur contexte. Les techniciens et équipes de maintenance ont quant à eux des besoins plus poussés. Ils interviennent sur les équipements, parfois en démontant des éléments de sécurité, en ouvrant des appareils ou en travaillant à proximité de circuits électriques, de capteurs, de moteurs. Ils doivent donc maîtriser non seulement les notions de base sur le risque d’explosion, mais aussi les particularités des matériels destinés aux zones ATEX, le marquage, les catégories, les modes de protection, les conditions à respecter pour toute intervention. Une formation ATEX pour la maintenance va plus loin qu’une simple sensibilisation : elle donne des repères pour lire un marquage Ex, comprendre ce qui est autorisé ou non et appliquer des procédures de consignation adaptées. L’encadrement, les chefs d’équipe, les conducteurs de travaux ou les responsables de site occupent un rôle charnière. Ils organisent les travaux, arbitrent les priorités, définissent le planning des interventions et sont garants du respect des règles sur le terrain. Ils doivent être capables d’expliquer à leurs équipes pourquoi certaines contraintes existent, de refuser une intervention qui ne se ferait pas dans des conditions sûres, de valider des plans de prévention, d’identifier les situations où une expertise HSE est nécessaire. Pour eux, la formation ATEX doit mêler compréhension technique des enjeux et dimension managériale : comment intégrer le risque d’explosion dans la préparation des travaux, dans le choix des modes opératoires, dans le dialogue avec les sous-traitants. Les spécialistes HSE, les préventeurs et les référents ATEX, enfin, ont besoin d’un niveau d’expertise plus approfondi. Ce sont souvent eux qui pilotent le zonage, rédigent ou mettent à jour le document de protection contre les explosions, participent aux projets de modification d’installations, définissent les besoins en matériels ATEX et construisent les plans de formation pour les autres publics. Leur formation doit couvrir les principes de base, mais aussi des aspects plus pointus : méthodologie d’évaluation des risques, démarche de classification des zones, réglementation applicable, interfaces avec d’autres exigences (risques chimiques, incendie, électricité, ventilation…). On distingue ainsi, en matière de formation ATEX, plusieurs niveaux. La sensibilisation s’adresse à des salariés qui doivent connaître les grands principes, savoir qu’ils travaillent en environnement potentiellement explosible et adopter des comportements sécurisés. L’expertise, elle, concerne les personnes en charge de concevoir, de maintenir, de contrôler et de piloter la prévention ATEX. Entre les deux, il existe des formations intermédiaires pour des fonctions clés comme la maintenance ou l’encadrement. Pour construire un plan de formation cohérent, il est donc indispensable de cartographier les profils de l’entreprise, d’identifier qui fait quoi, où et avec quel niveau de responsabilité vis-à-vis du risque d’explosion. C’est à partir de cette analyse que l’on pourra proposer des modules adaptés, combinant sensibilisation large et formation approfondie pour les acteurs critiques.  

3. Les thématiques clés d’une formation ATEX

Au-delà des publics, une question se pose : que doit contenir concrètement une formation ATEX pour qu’elle soit vraiment utile et opérationnelle ? Le premier grand thème est celui des principes de l’explosion. Il ne s’agit pas de faire des stagiaires des physiciens, mais de leur donner une compréhension simple et robuste des mécanismes en jeu. Une atmosphère explosible apparaît lorsqu’un combustible (gaz, vapeur, poussière) est présent dans une certaine concentration dans l’air et qu’il rencontre une source d’inflammation. La formation doit expliquer ce fameux “triangle de l’explosion”, les conditions de formation des mélanges explosifs, les notions de limites d’explosivité et d’inflammabilité, ainsi que la différence entre un incendie et une explosion. En visualisant ces notions à partir d’exemples concrets, les apprenants comprennent mieux pourquoi certains gestes anodins en apparence peuvent se révéler extrêmement dangereux dans une zone ATEX. Dans le prolongement, il est indispensable d’aborder les sources d’inflammation. Une flamme nue ou une étincelle évidente ne sont que la partie visible du problème. Une surface chaude, un frottement mécanique, une décharge électrostatique, un arc électrique, un composant électronique défectueux, un éclairage inadapté, un téléphone non autorisé dans une zone classée, un outil métallique qui heurte une surface peuvent tous jouer le rôle de déclencheur. La formation doit aider chacun à élargir sa perception du danger et à reconnaître ces multiples sources potentielles d’inflammation sur son poste. Un deuxième thème structurant concerne la classification des zones et le marquage du matériel. Les atmosphères explosibles ne sont pas présentes partout, tout le temps, avec la même probabilité. C’est pourquoi les zones sont classées en fonction de la fréquence et de la durée de présence du mélange explosible. Sans entrer nécessairement dans un niveau de détail trop technique pour certains publics, la formation doit expliquer l’idée générale : certaines zones sont en atmosphère explosible quasi permanente, d’autres seulement occasionnellement, d’autres encore dans des conditions accidentelles. Cette classification a un impact direct sur le choix des équipements. Le marquage des matériels Ex (catégorie, groupe, température maximale de surface, type de protection) doit être décrypté, au moins pour les personnes amenées à choisir, installer ou intervenir sur ces matériels. Pour un technicien de maintenance, savoir reconnaître un matériel adapté à une zone donnée, comprendre qu’on ne peut pas remplacer un composant par un autre non certifié “parce qu’il ressemble” est une compétence essentielle. Un troisième bloc de contenu porte sur les procédures de travail à adopter en atmosphère explosible. Les modes opératoires doivent intégrer la prévention du risque d’explosion : ordre des opérations, nettoyage régulier pour éviter l’accumulation de poussières, contrôle des fuites, gestion des ouvertures de trappes ou de regards, respect des consignes en cas d’alarme. Des procédures particulières doivent être expliquées pour les travaux générateurs de sources d’inflammation, par exemple les travaux par points chauds, les interventions électriques ou les travaux de maintenance mécaniques dans des zones classées. C’est là que la formation rejoint la réalité opérationnelle : elle doit rendre l’apprenant capable de reconnaître les situations où un permis de travail spécifique est nécessaire, de comprendre pourquoi certaines interventions sont strictement interdites lorsque l’installation est en fonctionnement, et de mettre correctement en œuvre les consignes de consignation avant de commencer. La question des équipements de protection individuelle ne doit pas être oubliée. Selon les contextes, il peut être nécessaire de porter des vêtements antistatiques, des chaussures adaptées, des gants spécifiques. La formation doit rappeler que l’EPI ne remplace jamais les mesures techniques et organisationnelles, mais qu’il contribue à renforcer la sécurité, notamment sur la question des charges électrostatiques. Pour les publics les plus avancés, les formations ATEX abordent également la démarche de rédaction et de mise à jour du document de protection contre les explosions, les méthodes possibles de zonage, l’analyse des accidents et incidents liés à des explosions dans différents secteurs, ainsi que les interactions entre le risque ATEX et d’autres familles de risques (chimique, incendie, explosion de poussières, risques liés à la ventilation ou aux systèmes d’aspiration). Ainsi, même si le contenu précis varie selon le niveau de la formation et le profil des participants, on retrouve toujours quelques piliers : comprendre l’explosion, identifier les sources d’inflammation, connaître la logique des zones, déchiffrer les marquages et appliquer des procédures de travail adaptées.  

4. Choisir le bon format de formation

Une fois le contenu défini, reste à déterminer comment le transmettre. Les formations ATEX peuvent prendre plusieurs formes, et le choix du format a un impact direct sur l’efficacité de l’apprentissage. Le présentiel reste une modalité particulièrement pertinente pour ce type de sujet. Les échanges en salle permettent de répondre aux questions, d’illustrer les notions par des exemples spécifiques au site, de travailler à partir de plans, de photos, de schémas, d’analyser des situations réelles rencontrées par les participants. Le formateur peut adapter son discours au niveau du groupe, revenir sur les points qui posent problème, corriger certaines idées reçues. Le présentiel est également propice aux travaux de groupe, aux études de cas et aux exercices où les stagiaires doivent identifier des risques ou proposer des mesures de prévention. L’e-learning trouve sa place pour certaines séquences, notamment pour une première sensibilisation ou pour de la remise à niveau. Des modules en ligne bien conçus peuvent présenter les bases du risque d’explosion, les définitions, les grands principes réglementaires, avec des animations, des quiz, des vidéos de démonstration. Cette modalité a l’avantage de la souplesse : chacun peut se connecter au moment le plus adapté, avancer à son rythme, revenir sur les points difficiles. Elle est particulièrement intéressante lorsque l’entreprise a un grand nombre de personnes à sensibiliser sur des messages généraux. Toutefois, pour les profils les plus exposés ou les plus responsables (maintenance, encadrement, HSE), l’e-learning ne suffit pas. C’est là que les dispositifs blended learning, qui alternent e-learning et présentiel, sont souvent les plus efficaces. Les bases théoriques peuvent être acquises en ligne, en amont de la session, afin que le temps en salle soit consacré à l’échange, aux cas pratiques, aux questions avancées. Cette approche maximise l’utilisation du temps de formation tout en assurant un socle commun de connaissances. Les formations ATEX gagnent aussi à intégrer des mises en situation terrain. Il peut s’agir de visites de zones classées avec un formateur, qui demande aux participants d’identifier les panneaux, les marquages, les sources potentielles d’inflammation, les points d’accumulation de poussières. Ces séquences donnent une dimension très concrète aux notions vues en salle et permettent de corriger des erreurs ou des idées fausses directement sur le terrain. Lorsqu’un participant comprend sur place que la petite habitude prise depuis des années constitue en réalité un risque majeur en zone ATEX, la prise de conscience est souvent bien plus forte que par un simple discours. Les études de cas et les retours d’expérience d’accidents ou d’incidents occupent également une place structurante dans une formation ATEX. Analyser un accident survenu dans une entreprise du même secteur, comprendre la succession d’événements, identifier les erreurs de conception, de maintenance, d’organisation ou de comportement, puis discuter des mesures qui auraient pu l’éviter, permet de rendre le risque tangible. Il ne s’agit plus d’un scénario théorique, mais d’une histoire réelle dans laquelle chacun peut se projeter. Le choix du format doit donc être guidé par plusieurs questions : quel est le niveau d’enjeu pour les personnes à former ? quels sont les objectifs pédagogiques précis ? combien de personnes sont concernées ? quelles sont les contraintes de disponibilité et d’organisation ? En répondant à ces questions, l’entreprise peut combiner intelligemment présentiel, e-learning, mises en situation terrain et retours d’expérience pour construire un dispositif cohérent, adapté à ses moyens et à ses objectifs.  

5. Intégrer ATEX dans la stratégie globale de prévention

La formation ATEX ne doit pas être traitée comme un “sujet à part” qu’on aborde de temps en temps pour se mettre en conformité. Elle s’inscrit dans une stratégie globale de prévention et de management des risques. Le point central de cette stratégie est le document de protection contre les explosions (DPCE), obligatoire pour les entreprises qui présentent un risque d’atmosphère explosible. Ce document collecte et formalise l’analyse des risques d’explosion, le zonage, les mesures de prévention et de protection en place ou à mettre en œuvre. Les formations ATEX doivent être en cohérence avec ce document, s’y référer et contribuer à le faire vivre. Par exemple, lorsqu’une session de formation met en lumière de nouvelles situations à risque ou des incompréhensions sur un mode opératoire, ces éléments peuvent conduire à mettre à jour le DPCE et à ajuster les actions prévues. Intégrer ATEX dans la stratégie globale de prévention, c’est aussi décloisonner. Le risque d’explosion n’est pas isolé : il interagit avec le risque chimique, le risque incendie, la sécurité électrique, la maintenance, l’organisation des travaux, la coactivité avec des entreprises extérieures. Les parcours de formation doivent refléter ces liens. Un chef de projet industriel qui prévoit de modifier une installation doit, par exemple, être sensibilisé au fait que certains changements (type de produit, température, ventilation, confinement) peuvent modifier le zonage ATEX et imposer des études complémentaires. Un responsable de travaux ne peut pas se contenter d’un plan de prévention “générique” lorsqu’il intervient dans une zone classée. L’actualisation régulière des compétences est un autre enjeu majeur. Les connaissances s’émoussent avec le temps, les habitudes reviennent parfois au galop, les installations évoluent. Il est donc nécessaire de prévoir des rappels, des recyclages, des mises à jour, en particulier pour les personnels les plus exposés et les plus responsables. La fréquence exacte dépend du contexte, mais l’important est de ne pas considérer la formation initiale comme un acquis définitif. Des formats courts, centrés sur des retours d’expérience, des rappels ciblés ou l’analyse d’un changement récent dans l’usine ou sur le site peuvent être très efficaces. Enfin, intégrer ATEX dans la stratégie de prévention, c’est mesurer les résultats et suivre des indicateurs. Il peut s’agir du nombre d’écarts relevés lors d’audits en zones ATEX, du nombre de remarques des salariés sur des situations dangereuses liées au risque d’explosion, de la fréquence des incidents de process en lien avec des atmosphères explosibles. Ces éléments, croisés avec les données de formation (personnes formées, taux de couverture par population, retours des stagiaires), permettent d’évaluer l’impact des actions menées et d’orienter les efforts là où ils sont les plus nécessaires. Ainsi, la formation ATEX devient une brique essentielle, mais non isolée, de la politique de prévention. En formant les bonnes personnes au bon niveau, en choisissant des formats adaptés, en articulant les contenus avec le DPCE et en actualisant régulièrement les compétences, l’entreprise se donne les moyens de réduire significativement le risque d’explosion et de protéger durablement ses équipes, ses installations et son activité.

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